Un légiste blessé ( PV Dorian)

Tandis que sa cigarette se consumait progressivement au bout de ses doigts, Dorian scrutait les portes à double battant des urgences en attendant de voir son ami en surgir. Il devait être un peu nostalgique pour repenser à la fac de médecine, à leur internat. En fin de compte, c'était il n'y pas très longtemps, quelques années tout au plus. Dorian pouvait s'en souvenir avec précision car tous deux avaient rapidement pris l'habitude de finir leur journée dans un bar, comme aujourd'hui. Chacun avait un tempérament assez tranquille alors quand leurs autres amis rentraient chez eux en trombe pour ne pas perdre de temps dans les révisions, eux, ils passaient du temps au bar et rien ne semblait les inquiéter. Comme dans leur jeunesse, ils profitaient de chaque moment sans qu'un événement quelconque ne vienne les perturber. Aujourd'hui, tout était bien différent mais Dorian ne s'en plaignait pas. Il aimait la vie qu'il menait, même si parfois il devait courir après le temps, mais il n'aurait échangé ça pour rien au monde. Un sourire involontaire se dessina sur son visage à cette pensée, attendant patiemment Connor tout en appréhendant de se faire héler par quelqu'un de l'hôpital, de rentrer à nouveau dans son service et de n'en ressortir que quelques heures plus tard.
Heureusement, Connor émergea rapidement de l'agitation qui régnait autour de l'entrée. Il devait probablement avoir la même appréhension que Dorian.
Ils commencèrent par marcher tranquillement, profitant pleinement de se retrouver dehors une fois pour toute, la masse imposante du SGH disparaissant peu à peu derrière eux.
Connor, tout en lui chippant son paquet de cigarettes, proposa de retrouver un bar vieux comme le monde où ils avaient, autrefois, pris l'habitude de se rendre. Aucun des deux ne savait si ce dernier existait encore pourtant ils connaissaient toujours par coeur le chemin pour rejoindre ce fameux bar.

" J'en ai aucune idée mais si il n'y est plus, il y en aura sûrement un autre à la place. Tu te souviens, le gérant n'était déjà pas bien jeune quand on y allait .. en tout cas, j'espère qu'il y a toujours autant de monde, on va peut être retrouver de vieilles connaissances qui sait ?! "

Après plus d'un bon quart d'heure de marche, les deux amis retrouvèrent le bar en question. La devanture était toujours la même et, en ouvrant la porte, ils purent s'apercevoir que rien n'avait changé. L'atmosphère était toujours la même, de même que l'ambiance, détendue et bon enfant. Les tables et les chaises n'avaient pas bougé, s'imposant toujours dans un style très rétro, les enceintes du fond diffusait les Beattles bien que les chansons soient largement couvertes par les multiples conversations, encore une chose qui n'avait pas changé. Un sourire presque nostalgique aux lèvres, Dorian avait l'impression de faire un saut dans le passé. C'était plutôt agréable de redécouvrir des tas de souvenirs avec un regard nouveau dessus. Ils se dirigèrent vers le comptoir pour prendre leur commande, cherchant des yeux des visages familiers.

" Rien n'a changé t'as vu ça ?! Pour faire honneur au passé, j'offre la première tournée ! "

Ils n'étaient pas sûr que le bar existait encore, alors constater que celui-ci n'avait pas changé d'un pouce ne faisait qu'accroître leur surprise. Une surprise plutôt agréable puisqu'ils retrouvaient exactement ce qu'ils avaient quitté il y a quelques années. Tout était identique à leurs souvenirs, de la décoration jusqu'aux types de clients. Le bar était souvent bondé en fin de journée, comme présentement, lorsque tout le monde quittait le travail et venait se divertir quelques heures avant de rentrer à la maison. Les discussions allaient bon train et la bière coulait à flots.
Comme les deux amis l'avaient fait pour se rendre dans cet endroit, ils se dirigèrent naturellement vers leur table, mû par une vieille habitude. Rien que la table en elle-même représentait des tas de choses : des paris, les conversations totalement farfelues du petit matin, etc.
Tout en restant debout, Dorian se débarrassa de son sac et le posa sur le banc avant de rejoindre le comptoir. Bien évidemment, il se souvenait de ce que buvait Connor donc il n'eut pas de mal à passer sa commande. Quelques minutes après, il revint sur ses pas et déposa leurs consommations sur la table, salement amochée par le temps sans pour autant perdre de son charme.

" Non rien a changé, ça fait plaisir de revenir ici et de voir ça ! "

Comme avant, Dorian ne tarda pas à boire plusieurs gorgées d'affilée. Généralement, les tournées se multipliaient vite ce qui expliquait pourquoi ils rentraient chez eux au petit matin. Cette fois, ce ne serait pas le cas et ils devaient faire attention en prenant la voiture ensuite mais, pour le moment, Dorian voulait uniquement profiter du moment sans penser à cela. D'autant plus qu'il n'avait pas passé de soirée en compagnie de son meilleur ami depuis un moment. A cette idée, il pensa subitement à Jessica qui lui avait demandé de lui réserver une soirée mais, au vu de leur dernière entrevue, il n'était pas sûr de le vouloir.
A proximité de la table se trouvait une tv qui diffusait les informations en continu, où on pouvait assister à la fameuse signature du health care bill. Ce sujet revenait fréquemment dans les conversations autour d'eux. Mais, pour le moment, Dorian restait fixé sur ses vieux souvenirs.

" Alors .. racontes moi ta vie depuis la dernière fois, quoi de nouveau? "

En clair, les deux amis avaient passé le plus clair de leur temps dans ce bar. Finalement, ils ne se voyaient que très peu ailleurs. Surtout maintenant d’ailleurs puisque Connor multipliait son temps de travail par trois et Dorian apprenait tant bien que mal à concilier vie professionnelle et vie familiale. Leur temps libre se réduisait donc comme peau de chagrin et les moments tels que celui-ci se faisait rare. Tous deux avaient besoin d’un remontant après une journée aussi fatigante et c’était l’endroit parfait pour se raconter les dernières nouvelles, et partager d’autres histoires avec les autres clients. Généralement, au bout d’un moment, les groupes d’amis se mêlaient aux autres et les soirées devenaient interminables, bien plus arrosées que prévues notamment !
Comme avant, Connor continuait de passer boire un verre quelque part à la fin de la journée. C’était presque devenu un passage obligatoire ou plutôt naturel. De tous deux qui travaillaient au SGH, tous s’étaient rendus, une fois au moins, au bar de Joe en début de soirée. Certains en faisaient une habitude alors que d’autres s’y rendaient occasionnellement. A présent, Dorian faisait partie de cette catégorie et ne regrettait en rien le changement. Sa vie de famille était bien plus importante que tout autre chose et ses vieilles habitudes se remplaçaient par d’autres, tout simplement.

« Ah bon ? Je ne sais pas si c’est rassurant .. déformation professionnelle peut être ? »

Son visage prit une drôle de teinte lorsque Connor évoqua ses .. ‘patients’. Forcément, ce n’était pas très réjouissant ni très plaisant à entendre. Tellement dégoûté en tentant d’imaginer comment se déroulait ses journées que Dorian en avala sa bière de travers. Il finit par hocher la tête et n’ajouta plus rien. L’expression de son visage suffirait certainement à faire comprendre à son ami que ce genre de sujet ne lui plaisait guère.
De toute façon, Connor se concentra rapidement sur son compas et la suite de ses dessins. Depuis tout petit, Dorian l’avait toujours trouvé étrange dès qu’il entreprenait ce genre de choses. De ce côté là, ils n’avaient aucun point commun. Le regard vague, Dorian se contentait simplement de le regarder faire, observant parfois le barman qui le tuerait probablement s’il le voyait massacrer la table !

« Euh .. oui, je suppose que oui. Pourquoi ça ne serait pas bien ? Tu sais, si elle te plaît, tu devrais foncer on a qu’une vie ! »

Plus intéressé par cette partie de la discussion, Dorian se redressa sur son siège, enlevant ses coudes de sur la table et, quelque peu hésitant face à la question de son interlocuteur, il s’efforça de trouver la réponse la plus appropriée. Il savait que Connor obtenait facilement ce qu’il voulait mais, cette fois, cette patiente semblait le troubler plus qu’il ne l’aurait imaginé.