Qui je suis ? Question facile, et pourtant...Je vais tenter de rester cohérente. Je m'appelle Emanuelle, prénom androgyne prêtant à la confusion. Prénom à la tranquille musique, à la menace cachée. Satine, douceur simulée. Et Grace, tout simplement. Je suis interne aux urgences dans cet hôpital. J'ai 29 ans et je viens tout juste de débarquer à Seattle pour fuir mes anciennes relations, mon ancienne vie, mon ancienne moi.
Parler de moi ? Je ne sais pas vraiment quoi dire. J'ai longtemps servi de souffre-douleur pour les autres lors de ma jeunesse. J'ai une forte tendance à me rabaisser, à courber l'échine et à fuir les gens essayant de voir au-delà de ma carapace. On me dit vive, fougueuse, intelligente et assez jolie. Mais c'est ce que les gens disent. Et les gens mentent: mentent pour vous protéger, pour se dépêtrer de vous, pour en finir enfin.
J'ai fait mes études à New-York. Ce qui m'a poussé à devenir médecin ? J'ai eu le déclic vers mes seize ans. Une émission de télévision. Pas de romantisme, de détails amusants: une émission de télévision m'a fait voir ce qu'est la vie de médecin et je n'ai pas pu décrocher. Expositions, livres, cours optionnels de biologie humaine à l'école, modèles réduits et j'en passe m'ont tenu très souvent compagnie. J'ai travaillé sans relâche pour atteindre ce but et n'ai pas l'intention de laisser tomber. Je serai la meilleure.
Côté relations, tout va mal. J'ai été trompée cinq fois... Je pense que c'est un record. J'ai tendance à compenser mon vide affectif par des relations sans lendemain. J'ai cherché en vain le prince charmant, celui qui ne m'utiliseras pas comme une vulgaire poupée de porcelaine. Et je ne l'ai jamais rencontré. Il est très facile de me trouver: si je ne suis pas à l'hôpital ou dans mon lit, je suis au bar. L'ivresse du sexe et le velours de l'alcool.
Vu comme ça, on pourrait dire que je suis une traînée alcoolique et sans estime personnelle. Ce que je ne suis pas, bien sûr.
...Évidemment que c'est ce que je suis.