Oui oui, j'ai passé une excellente soirée moi aussi. Non non, je n'ai pas besoin que tu me raccompagnes, je prendrai un taxi. Oui oui, bien sûr on se contacte. Non non, moi je te rappelle. Ou pas d'ailleurs, de toutes façons, j'aurai du mal, je ne me souviens déjà même plus de ton prénom... J'aimais bien tes yeux. Ou tes mains. Ou les deux. Ou...Après tout peu importe, ça m'a fait de la compagnie...
Avery était sortie ce soir, elle s'était laissée emmener dîner dans un luxueux restaurant par un avocat ennuyeux et après un ou deux (peut-être trois, qui sait...) Cosmopolitans et deux ou trois (était-ce quatre ?) Dry Martini, ils étaient passés au dessert. Sans envie, sans entrain, Lisa avait ressenti le besoin de prendre l'air plus que celui de passer une soirée dans le même lit que cet homme. Tom. Oui, il s'appelait Tom. Ou était-ce Paul ?
Elle glissa quelques dollars au chauffeur de taxi et se dirigea à grandes enjambées vers le vestiair ou elle effectuait souvent son changement. De l'air, elle avait besoin d'air. Elle avait toujours eu besoin d'air. C'est pour ça qu'elle n'ouvrait son coeur à personne, il n'y aurait plus de place pour l'air. Maintenant, il n'y avait plus que ça à l'intérieur, de l'air. Dans les tripes, de l'air ; dans la tête, de l'air ; dans le coeur, de l'air... De l'air, du vent, du vide. Un gros vide.
Ses talons claquaient, son coeur cognait, sa tête tournait. Et puis zut, elle foutait quoi là ? Avé, wouhou, tu fous quoi ? Rien, elle ne foutait rien. Et en prime, elle n'en avait rien à foutre. J'ai réussi, se disait-elle. Je suis une chirurgienne reconnue même pas, je suis riche, je ne suis pas comme ma mère et je suis heureuse. Oui bien sûr, elle était heureuse. Comme un poisson...sans eau. La petite voix qui criait "mais bien sûr" à chaque fois qu'elle se mentait à elle-même ne s'empêcha d'ailleurs pas de le lui faire remarquer...
Vite, un banc. Il fallait s'asseoir, tout de suite, sa tête tournait trop, son coeur cognait trop. Quelqu'un était déjà là, tant pis. De toutes façons, elle n'était plus à un détraqué mental près, après tous les types avec qui elle était sortie. Elle allait craquer. Ou vomir. Ou les deux en même temps. Et puis, alors ? Personne n'était la pour le voir. Non personne, excepté le détraqué mental avec sa canne à côté. Et puis quoi, elle avait bien le droit de se mettre à chialer, non ? Non, justement. Elle était Marshall Avery, zut ! Et depuis quand, sous prétexte qu'on se prénommait Avery Marshall, on n'avait plus le droit de pleurer ? Depuis que...
"Je suis si fatiguée..."