nouveau jour, nouvel interne.

Lorsque Bem avait eu son diplôme à la fin de ses années d'études dans une université peu connue pour ses performances, le jeune homme avait cru qu'il assistait au plus beau jour de sa vie, d'autant plus que ses parents avaient été très fiers de lui.
Mais il avait ensuite fallu qu'il trouve un hôpital pour devenir ce qu'il voulait être.
Ce fut en fait le jour où il apprit qu'il était accepté en première année d'internat au Seattle Grace hospital que Bem comprit que son diplôme n'était rien. Il allait désormais connaitre en pratique le monde médical. Il ne ferait pas que de la simple théorie, il allait entrer dans le vif du sujet, et surtout dans l'obstétrique puisque c'était ce qu'il avait choisi de faire.
Lorsqu'il entra dans l'hôpital, des personnes en blouses blanches s'agitaient dans les couloirs.

"Voici une toute nouvelle vie pour toi Bem".

Se surprit-il alors à parler à voix haute, s'étant arrêter dans un coin juste avant ce qui semblait être les vestiaires du personnel.
Puis il poussa la porte d'entrée. Effectivement, il ne s'était pas trompé, il était bien au bon endroit : les vestiaires.
Il se trouva un casier vide et y déposa son sac. Puis il enfila rapidement une blouse sur laquelle il était indiqué son nom ainsi que son prénom qui lui avait été donnée par un médecin d'ici lorsqu'il avait appris son acceptation dans cet hôpital.
Puis il soupira. Même s'il avait un visage qui semblait plus ou moins dur, il n'en était pas moin content de son parcours. Bem était très excité, et il sentait que les battements de son coeur s'accélérait. Par où commencer ? Qui voir ? Il n'en savait trop rien, mais il décida de rester ici un petit peu. De toute façon, il n'était pas en retard, il était même un tout petit peu en avant. Il s'assit alors sur un banc.

Le réveil sonna peut être plus violemment que d'habitude ce jour là pour Sarah encore profondément endormie lorsque la sonnerie retentit dans la chambre. Elle sortit du lit tant bien que mal encore un peu endormie, alla mécaniquement mettre la machine à café en marche et sortit le beurre pour tenter d'avoir autre chose que du béton à étaler sur ce qu'il restait de pain. Après une courte douche elle revint boire son café qui était encore chaud, glissa deux tranches de pains dans le grille pain et descendit récupérer le courrier. Ses matinées étaient mécaniques au possible mais ça lui évitait de se réveiller vraiment pour faire ce qu'elle connaissait par coeur. Elle quitta l'appartement quelques minutes après en prenant garde de ne pas réveiller Maria qui dormait toujours à côté.

La journée s'annonçait douce et ensoleillée, vraiment pas un temps à vous donner envie d'aller travailler mais il fallait faire avec. Le bus était plus qu'à l'heure et la jeune femme allait largement avoir le temps de se changer et de passer par l'accueil pour essayer de repérer le nouvel interne en obstétrique. Après tout ce n'était pas tous les jours qu'un nouvel interne débarquait dans sa spécialité et elle se devait de l'accueillir... En réalité sa curiosité naturelle l'emportait largement sur le reste et elle mourrait d'envie de le rencontrer. En arrivant à l'hôpital elle remonta ses lunettes de soleil sur ses cheveux, grimpa dans l'ascenseur direction les vestiaires et consulta le sms qu'elle venait de recevoir.

En arrivant dans le couloir Sarah cru entendre une voix qu'elle ne reconnut pas . Elle ne s'attarda pas trop sur ce détail et prit la direction de son casier, mais pour son plus grand plaisir et la satisfaction de sa curiosité débordante elle tomba nez à nez avec un jeune homme qui lui était totalement inconnu. L'infirmière lui adressa un large sourire et se dirigea vers le fond de la pièce là où était situé son casier. En changeant sa veste pour sa blouse blanche et son stéthoscope, la jeune femme revint auprès de l'inconnu et s'assit derrière lui.

Salut, je suis Sarah, infirmière à la maternité. T'es nouveau ici non ? lui demanda-t-elle d'une voix posée.

Perdu dans ses pensées, imaginant ce que pourrait bien être sa vie désormais, Bem se surprit à sursauter lorsqu'une jeune femme entra dans la pièce. Il se sentit alors ridicule, mais tenta tant bien que mal de rester la tête haute, comme si de rien n'était.

"Salut."
Se contenta-t-il de dire d'un ton ni joyeux ni autain.
"Heu, bonjour".

Rectifia-t-il finalement, remarquant que maintenant qu'il était ici, il devait bien se tenir. Il se redressa en se levant du banc sur lequel il était assis, puis, sans forcer un sourire, il fixa la jeune femme qui venait d'entrer. Il la regarda faire lorsqu'elle enfila sa blouse. Ouf. Il compara la sienne à celle que venait de mettre la femme, puis réalisa qu'il ne l'avait pas mise à l'envers. Enfin, il se rassit lorsque la jeune femme vint à son tour s'assoir.
Il se retourna vers elle lorsqu'elle commença à parler.
Sarah. Son prénom était Sarah. elle ne lui avait pas donné son nom de famille. Peu importe, ça n'était pas vraiment important. Souriant, il tendit la main comme pour la lui serrer.

"Bonjour Madame. Heu, enchanté de vous connaître. Ouai, je suis nouveau. Je suis interne en première année au service obstétrique justement."

Il regarda sa montre rapidement.

"Je ne crois pas être en retard, si ?"

Il avait sursauté quand elle était entrée ce qui laissait peu de chance pour une réponse négative à sa question. Pour être aussi tendu et observateur c'est qu'il devait probablement être un peu perdu. Mais il gardait la tête haute et l'air sûr de lui autant que faire se peut. Ses actions était presque mimétique par rapport à celles de la jeune femme ce qui la fit sourire de plus belle, elle ne se savait pas si terrifiante. Le nouveau quant à lui était resté très poli, presque trop, ce qui attira l'attention de Sarah et relança de plus belle sa curiosité un peu apaisée. Son ton était plus que tempéré, ses mots hésitants, et il venait de vérifier que sa blouse était à l'endroit, décidément il y avait de la marge question confiance. Il avança tout de même sa main pour la saluer ce qu'elle fit avec un sourire plus estompé mais tout aussi chaleureux.

Alors soit le bienvenu au SGH ! J'espère que tu vas te plaire ici, dit elle avec un clin d'oeil. Ravie de faire ta connaissance... euh excuse moi ton prénom m'a échappé.

Le jeune homme assis en face d'elle avait une sacré poigne et après lui avoir brièvement serré la main il vérifia l'heure qu'il était à sa montre, inquiet pour son retard. Décidément on lui avait mis la pression pour que le stress prenne à ce point ..! Sarah jeta alors à son tour un bref regard vers la pendule accrochée au mur dans son dos puis se retourna doucement vers lui :

Pas d'inquiétude tu es dans les temps, c'est moi qui suis en avance. Et appelle moi Sarah, pas de vous ni de madame pour moi ça me vieillit terriblement je trouve, ajouta-t-elle d'un ton malicieux.

Elle comptait bien en savoir plus sur lui, ne serait ce que pour les quelques minutes qu'elle lui arracherait sur son emploi du temps. Et puis de toute façon ils allaient au même endroit alors pourquoi ne pas prendre son temps pour discuter un peu et détendre l'atmosphère avant de commencer la journée.

Première année, vraiment ? C'est la première fois que tu bosses dans un hôpital ?

La jeune femme ne sortait plus tout à fait de la fac mais elle se souvenait très bien de son premier jour à l'hôpital de Chicago : un enfer. Elle avait eu le droit aux urgences toute la journée, les arrivées spectaculaires, les SDF en hiver, les mères hystériques... Mais le lendemain tout était revenu à la normale, test de bienvenue lui avait on dit, très agréable arrivée... avec le recul des années ! Mais ici elle n'avait jamais remarqué la moindre trace de violence physique ou psychologique sur les nouveaux internes comme quoi, cet hôpital était vraiment idéal.

Décidément, cette infirmière avait l'air vraiment gentille ! Etaient-ils tous comme elle ? Bem espérait fortement que la réponse à sa question intérieure était positive. Enfin bref. De toute façon, les difficultés ne le faisaient pas peur, loin de là.
Il regarda à nouveau Sarah lorsqu'elle reprit la parole.
Elle venait de lui souhaiter la bienvenue. Il ne put empêcher un sourire se laisser dessiner sur ses lèvres.

"Merci pour l'accueil en tout cas."

Puis il réfléchit un instant. Son prénom ? oh non, quel idiot, il ne s'était même pas présenté ! Quelle honte ! Peu importe. De toute façon, Bem ne rougissait que très rarement. en fait, il ne se souvenait pas avoir déjà rougi de honte dans sa vie, ce qui était une chose plutôt positive pour cacher ses émotions.

"Oh, excusez-moi. Je pensais m'être présenté. Moi, c'est Bem. Bem Akbe."

Dit-il tout en lui serrant la main. Puis la jeune femme sembla se retourner, fixant le mur. Que regardait-elle ? En fait, Bem n'avait même pas aperçu qu'une pendule y était accroché. Sarah le rassura alors quelque peu, lui informant qu'il n'était pas en retard, mais au contraire, un petit peu en avance, comme elle.
Puis elle l'invita à ne pas l'appeler "Madame". Effectivement, après réflexion, ceci était sans doute un peu trop. Mais il fut un temps où Bem tutoyait tout le monde, puis il avait appris à ne plus le faire lorsqu'il s'était remis dans le droit chemin. Peu importe.
Il souria face à la joie de vivre de cette femme face à lui.

"OK, ça marche. Je vous, heu, enfin, te. Je t'appellerai Sarah alors. C'est que je pensais que, heu, enfin bref."

Ne sachant quoi dire, il préféra se taire, souriant.

"Ce qui est sûre, c'est que j'avais pas l'intention de te vieillir, tu fais pas vieille si ça te rassure, loin de là."

Puis il se tût, réalisant que ce qu'il venait de dire ne serait peut-être pas apprécié par une supérieure. Mais elle avait l'air cool.
Puis elle reprit la parole, le questionnant. Elle avait sûrement l'intention d'en apprendre plus sur le petit nouveau, ce qui ne déplaisait pas à Bem, bien qu'il n'avait aucune intention de rentrer au fond de sa vie privée.

"Ouai, heu, oui."

Rectifia-t-il finalement. Les réflexes de la rue avaient souvent tendance à reprendre le dessus, et Bem devait sans cesse se corriger pour ne pas faire mauvaise impression. En tout cas, il essayait de gommer ces tics depuis longtemps, mais les habitudes étaient dures à faire disparaître.

"Oui, je suis en première année, heu, pourquoi ? Je fais quand même pas si jeune j'espère !"

Puis il se mit à sourire légèrement, montrant que même s'il avait parlé d'une voix plutôt sèche (c'était son habitude), il venait en fait de plaisanter légèrement.

"Et oui, c'est la première fois de ma vie que j'entre dans un hôpital. Enfin, pour y bosser bien sûr."

En effet, Bem ne connaissait pas l'envers du décor. En fait, il n'avait jamais travaillé dans un hôpital. Mais en revanche, il y était entré des centaines de fois en tant que patient, soit pour une balle qui lui avait transpercé l'épaule, ou pour un coup de couteau, ou autres blessures de ce genre. D'ailleurs, Bem avait beaucoup de cicatrice sur le corps. Ceci était les séquelles de la dure loi de la rue à qui il n'appartenait désormais plus. Il décida enfin de poser une question.

"Et toi, ça fait longtemps que tu bosses ici si c'est pas indiscret ?"

Bem n'afficha aucun sourire lorsque Sarah se remit à prendre la parole. Non pas qu'il n'avait aucune envie de l'écouter, bien au contraire, mais parce qu'il n'en avait tout simplement pas l'habitude. Concentré, il buvait chacun des mots que la jeune femme prononçait, sans doute était-ce la concentration de tous les nouveaux, il n'en savait rien, mais étrangement, il sentait qu'il devait écouter attentivement tout ce qu'elle disait, même si ça n'avait aucun rapport professionnel.
Puis elle sembla rire, sortir une blague sur elle-même. Par signe de moquerie, Bem baissa alors le regard au niveau des chevilles de la jeune femme, puis se mit à rire.

"Oula, attention, tes chevilles enflent".

Dit-il alors d'un ton moqueur, sans pour autant devenir insolent. Bem apréciait les personnes qui ne se prenaient pas vraiment au sérieux, car lui-même ne l'était pas trop, même s'il le paraissait.

Puis il effaça rapidement son sourire lorsqu'il reprit la parole, questionant la jeune femme sur son passé, à son tour. elle ne tarda pas à lui répondre. Elle n'était donc pas de Seattle contrairement à lui. Puis elle dériva sur les cas intéressant. Excellent ! Bem n'attendait que ça, même s'il s'occuperait bien entendu des cas moins intéressant, en tant que futur bon médecin, il l'espérait fortement pour lui, et ses patients, ou plutôt, patientes, puisque les hommes n'avaient en principe pas pour habitude de tomber enceinte.
Il se mit à secouer la tête de droite à gauche, comme pour sacher cette idée (d'un homme attendant un bébé) de sa tête.
Puis il la regarda à nouveau, concentré.
Elle lui posa une autre question. Décidément, elle aimait sûrement bien connaître les nouveaux internes. Bien sûr, cela ne le dérangeait pas, du moment qu'elle ne lui posait pas des questions trop trop personnels, comme ce qui l'avait poussé à travailler dans ce service. Peu importe. Durant un instant, l'image de sa petite amie alors enceinte lui revint en mémoire, mais il la chassa rapidement, pour ne pas avoir à se battre contre ses propres émotions.

"Si je suis d'ici ? Heu, ben non, perdu. Je viens de loin, très loin. En fait, je suis né au Kenya, et j'y ai grandis jusqu'à l'âge de 14 ans. Puis j'ai déménagé aux Etats-Unis, à Seattle. J'habite pas loin d'ailleurs. Et oui, j'habite toujours chez mes parents. La famille c'est sacré chez nous. On est bien installé dans le ghetto qui est pas loin, vous le connaissez peut-être, il est assez connu pour, heu."

Bem se racla la gorge, réalisant qu'il allait peut-être l'effrayer. Il se tut donc, et refusa de dire les raisons pour lesquels ce ghetto était connu. De toute façon, tous les ghettos en général étaient connus pour leur pauvreté, leur violence, la drogue, etc. Peu importe. Bem n'avait aucune honte quant à ses origines, et dire qu'il venait du Kenya ou d'un ghetto ne le gênait pas, bien au contraire.

"Mais, je te rassure, je ne suis pas un délinquant."

Certes, Bem avait déjà connu un petit peu la prison, mais il n'était pas un grand criminel, et ne le serait jamais. La passion pour la médecine avait pris le dessus, il était maintenant définitivement du bon côté, mais il avait préféré le préciser, car beaucoup le regardait différemment en apprenant qu'il était originaire d'un continent africain pauvre, et d'un ghetto par la suite, qui plus est.

Décidément, cette matine paraissait comme très enrichissante pour Bem, qui, à défaut d'en apprendre beaucoup sur la médecine, ce qu'il était venu faire, en avait beaucoup appris sur Sarah, ce qui ne le déplaisait pas, loin de là.
Le fait qu'il lui dévoile ses origines ne choqua pas la jeune femme, contrairement à ce que Bem pensait. Etrangement, elle n'était pas du tout choqué par le mot "ghetto" qui en effrayait plus d'un. Ca n'est que lorsqu'elle lui anonça qu'elle aussi avait connu les ghettos que Bem comprit. Il préféra alors ne pas s'atarder sur le sujet, resentant que bien que Sarah soit extrêmement gentille, il ne fallait sans doute pas aller trop loin.
Il se contenta donc de hocher la tête, simplement pour montrer qu'il avait compris, et qu'il était d'accord avec elle s'agissant de la famille.

Bem chercha alors un autre sujet de conversation pour ne pas qu'il y ait trop de blanc entre lui et l'infirmière, qui, d'une certaine façon, était sa supérieure puisque elle, contrairement à lui, n'était plus étudiante. D'ailleurs, Bem la respectait pour cela, et aussi parce qu'il respectait la plupart des personnes en général.
Mais hélas, malgré ses efforts, aucun sujet de conversation ne lui venait à l'esprit ! Bem ne s'angoissa pas pour autant. S'ils devaient parler ensemble, alors quelque chose lui viendrait à lui, ou à elle. Après tout, il n'était pas tout seul en train de parler. Et puis parler de tout et de rien comme cela, n'importe quand avec n'importe qui (même si Sarah n'était pas n'importe qui maintenant qu'il la connaissait) n'était pas le fort du jeune homme.
Peu importe. Heureusement, Sarah reprit la parole. Chirurgie ou consult'.
Bem s'était peu posé la question dans son passé, car son choix avait vite été fait. En effet, s'il aimait la médecine et la chirurgie, en tout cas, c'est ce qu'il pensait, il préférait de loin les consult'. Il leva les yeux au ciel, faisant mine de réfléchir, puis très rapidement, il regarda à nouveau la jeune femme.

"Chirurgie ? Non, c'est pas pour moi, ou alors vite-fait je pense. Quoique j'ai jamais opéré personne, mais je pense pas que ce soit mon truc. Non, moi, mon truc c'est les consult'. J'aime bien être proche des gens. Enfin, en tout cas, en chirurgie, on est pas censé sympathisé avec les patients je crois, à moins que je sois complètement à côté de la plaque. Moi, je préfère avoir des discussions avec les gens, même si, tu l'as peut-être remarqué, je suis pas trop du genre à parler de tout et de rien. Mais je préfère largement les consult'. Je pense qu'en consultation, on peut vraiment apporter quelque chose aux patients. Heu, je dis pas que la chirurgie c'est complètement nul, parce que ça peut sauver des vies et tout, mais bon. enfin bref."

Il venait de réaliser qu'il avait sans doute parler trop, pour finalement ne dire qu'une seule et même chose. Peu importe. Lorsque Bem parlait de choses qu'il aimait, il avait tendance à s'emporter, mais seulement lorsqu'il parlait de médecine. Ceci était paradoxal, puisque Bem n'était pas du genre bavard.
Il se tût donc.

"Et toi ? Tu penses quoi ? Je devrais prendre chirurgie ou consult' ? C'est quoi qui a l'air le mieux pour toi ?"

[hj : je suis vraiment désolé pour ce grand retard, j'ai vraiment aucune excuses en plus. ]



Sarah était en train de lui exposer son propre point de vue. Même si Bem l'écoutait attentivement, il n'était définitivement pas d'accord. Enfin, peut-être qu'il se trompait, après tout, il n'était qu'interne et ne connaissait pas tout à la chirurgie et aux consultations, mais d'après ses connaissances, la chirurgie l'attirait beaucoup moins, comme il l'avait fait remarquer.
L'infirmière venait de dire que la chirurgie ne concernait pas que les opérations ? Mais que faisait-elle d'autre alors ? Bem n'arrivait pas à croire en cette jeune femme qui disait pourtant la vérité, il en était sûr. Il fronça légèrement les sourcils, mais il la laissa reprendre la parole. Il avait envi de lui poser une question, mais il la lui poserait après, une fois qu'elle aurait fini.
Puis elle parla d'adrénaline. L'adrénaline ? Lui, il connaissait beaucoup, même trop bien, mais ça n'était sans doute pas le même adrénaline que ce que Sarah avait l'habitude de resentir en bloc opératoir. Non. Bem, lui, connaissait l'adrénaline dangereuse, et même s'il aimait ça, il essayait de ne plus s'attirer d'ennuis, il n'avait en effet aucune envi de refaire un séjour en prison. Une fois lui avait suffit. Peu importe. Il se concentra alors à nouveau sur les paroles de l'infirmière. Les premiers cris des bébés. Oui. Ceci était sans doute très agréable à entendre. bem n'en savait rien en fait, il n'en avait jamais entendu. En tout cas, il n'avait pas pu entendre ceux de son propre bébé mort sans être né. Ceci avait été un terrible choc pour Bem, et encore maintenant, il ne s'en était pas encore tout à fait remis. Aussi craignait-il de redouter le moment où il entendrait pour la première fois, des cris de nouveaux-nés.
Peu importe. S'il était professionnel, il devrait pouvoir s'en sortir. C'est en tout cas ce qu'il espérait.
Le regard perdu à nouveau dans le vide, il se concentra une dernière fois sur ce que disait Sarah. Il la regarda droit dans les yeux, pour montrer qu'il l'écoutait.
Apparemment, elle ne se contentait pas de rester au bloc. Tant mieux. Bem apréciait largement les consultations, mais il devrait alors faire des deux, et assurer autant en consultation qu'en chirurgie. Ceci ne l'effrayait pas. En tout cas, il essayait de se convaincre lui-même qu'il n'était pas effrayé par cette grande nouveauté, mais bien sûr, il n'en était rien.
Il afficha un léger sourire, puis reprit la parole.

"Les opérations font pas le tout de la chir', t'as dit ? Ben alors il y a quoi d'autre dans la chir', en gros ?"

Bem réalisa que sa question était très bête et naïve, mais il se devait de la poser, pour ne pas praître comme un ignorant aux yeux des autres personnes. Et puis Sarah n'était pas du genre à se moquer de lui pour cette question. C'est en tout cas ce qu'il pensait d'elle. Il espérait maintenant qu'il ne se trompait pas, car Bem n'appréciait pas de passer pour un incompétent.

"Ouai, bon, oublie ce que je viens de dire, j'ai rien dit."

Ajouta-t-il finalement, craignant qu'elle ne rigole de cette question. Puis il continua.

"L'adrénaline ? Ouai, c'est vrai, t'as peut-être raison. Mais perso, je vois pas ce que vient faire l'adrénaline dans le fait d'avoir la vie et la mort de deux personnes entre ses mains. Ca t'a jamais effrayé ? Et si la maman et son bébé ne s'en sortait pas ? Ca a dû sûrement déjà arriver dans cet hôpital non ? Alors comment on peut s'en remettre de ça ?"

Bem se tût aussitôt. Il avait prononcé ces dernières paroles en haussant légèrement le ton, et il craignait maintenant que l'infirmière ne se pose des questions. Aussi préféra-t-il se taire, et faire comme si de rien n'était.

[ je t'en prie mdr ]

Pendant tout son (long) exposé Bem n'avait pas perdu un seul mot de la jeune femme. Elle lui avait paru très attentif, jusque dans les moindres détails, ce qui dans une certaine mesure l'avait conforté dans son rôle de pseudo supérieure. Ce qu'elle disait serait peut être inutile, il serait probablement en désaccord total avec elle mais cela lui importait peu. Ce qui comptait avant tout pour elle c'est participer ne serait-ce qu'imparfaitement à son orientation et à son développement dans le monde de la médecine qui n'était pas toujours tendre avec ses nouvelles recrues. Les titulaires n'étaient que rarement conscients que la plupart des internes n'avaient opérés que quelques stages en hôpital et que leurs études avaient été jusqu'à présent purement théorique à condition d'excepter les quelques cadavres qui leur avaient servi de modèles. Ils avaient tout simplement tendance à oublier que eux aussi étaient passés par là et que pour eux aussi la première année avait été un plongeon sans filet dans le grand vide, priant pour que le parachute de leur connaissance tienne le coup et leur permette d'atterrir en douceur.

A un moment elle avait senti qu'il aurait voulu la couper, intervenir pour rectifier ou pour s'insurger contre ce qu'elle disait mais sa bonne éducation avait de toute évidence pris le dessus et il s'était éteint à nouveau pour se maintenir dans l'écoute attentive sans ajouter un mot. La timidité l'avait sans doute aidé à se taire puisqu'à peine quelques secondes après avoir posé sa première question il se reprenait déjà pour l'annuler, décidément il allait devoir apprendre à aller jusqu'au bout de ses idées ! Aussi elle ne lui laissa pas le temps de reprendre son souffle pour enchaîner sur une autre question et répondit du tac au tac :

Mais si roh ! C'est loin d'être une question stupide tu sais, et moi aussi je me la suis posée avant de choisir. Si ça n'allait pas m'éloigner trop des patients et me transformer en une sorte de robot high tech qui opère et s'en va. Le fait est que le post op' c'est assez important comme boulot, vérifier par des check up que tout s'est bien passé, et puis il y a la préparation et l'explication également qui font que le chirurgien (dans ton cas) ou l'infirmière dans le mien ne sont pas des inconnus qui ouvrent, ferment et c'est tout.

Mais elle se décida enfin à le laisser parler à nouveau pour que ce dernier s'emballe sur l'adrénaline et l'implacable jeu de la vie et de la mort. Sarah fut interloquée un instant, tâchant de dissimuler son désarroi du mieux qu'elle put derrière une expression professionnelle mais elle avait été surprise. Même si à présent il était revenu à son expression précédente faisant comme si de rien n'était elle ne pouvait réprimer cette vague de questions qui la submergeait à présent. Son choix de la médecine n'avait pas du être innocent et de toute évidence l'obstétrique non plus... Comment faire pour passer outre et ne pas le mettre plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà, ça la jeune infirmière allait avoir du mal à trouver une solution. Elle balbutia quelques mots incompréhensible qui dévoilèrent son mal aise si jamais il n'avait pas été percé à jour auparavant :

Euh... c'est à dire que... non bien sûr on ne s'en remet pas...

Trouver quelque chose à dire, vite, et pas stupide, voilà sa priorité du moment mais le fait était qu'elle était profondément troublée par le ton du jeune homme qui même s'il avait été bien loin de la colère avait tout de même profondément changé le début léger de la conversation. Elle inspira profondément réalisant que s'il avait supporté jusque là sa présence, cette gêne incontrôlable allait sans doute modifier sa perception des choses. Lorsqu'enfin elle trouva ce qu'elle allait lui dire elle ferma les yeux un instant tout en commençant.

Il faut être capable de couper totalement sa vie privée de sa vie professionnelle. Et ce quoi qu'on puisse vivre, ou ressentir. J'ai déjà perdue des patientes, et je n'ai pas oublié leur nom mais ça n'affecte pas mon travail parce que pour ces quelques moments d'horreur, je sauve et je met au monde des enfants tous les jours et c'est pour moi la seule chose qui compte. Je préfère affronter les risques...

[hj : je suis vraiment vraiment désolé de mon retard, de mon grand retard même, mais j'ai eu un problème d'internet. plus d'internet pendant plus d'un mois ! On a changé de serveur, etc. Bref, je vais pas raconter ma vie, juste pour m'excuser. ]



Bem écouta, comme d'habitude, très attentivement ce que Sarah lui expliquait. Décidément, la jeune infirmière semblait beaucoup aimer son job ! Heureusement, parce qu'avec toutes les heures de travail qu'elle faisait sans aucun doute, elle n'aurait sans doute pas tenu longtemps si elle n'aimait pas son travail. C'est en tout cas ce que pensait Bem.
Elle venait de lui assurer que le post op' permettait aux chirurgiens, autant qu'aux médecins, de s'approcher plus près du patient, et peut-être même, essayer de compatir ou encore de les comprendre. Mais malgré ces dires, Bem n'en était pas persuadé. Il pensait toujours que la chirurgie n'était pas le meilleur moyen pour se rapprocher des patients, mais peu importe. De toute façon, il était là en tant que nouvel interne, et il ne serait vraiment ce qu'il en pensait qu'après avoir pratiqué un peu de chirurgie et de consultations. Bref.

Lorsqu'enfin Bem posa sa question sur le décès des patients, la jeune infirmière se mit à balbutier. Elle était manifestementmal à l'aise de devoir répondre à la question de Bem qui se sentit alors coupable de ce sentiment qu'il avait fait naître en Sarah. Peu importe. Après tout, jamais il n'aurait pensé qu'elle réagirait de la sorte, sinon, il se serait bien sûr abstenu, cela allait de soi. Mais contre toute attente, Bem réussit à comprendre ce que disait la jeune femme. Non, elle ne s'en remettait pas, et apparemment, elle n'oubliait jamais le nom de ses patients décédés. Bem découvrirait cela par la suite, en exerçant ce qu'il avait toujorus rêvé de faire. Bien sûr, il espérait que ceci ne lui arrive que très rarement, parce que même si Sarah lui avait expliqué comment faire, Bem, lui, n'était pas sûr de réussir à distinguer réellement sa vie privée et sa vie au travail, et ce, même s'il y avaient aussi des moments heureux.

"OK, je prend ce conseil très au sérieux. J'essayerai de le suivre. J'essayerai parce qu'il me semble que ça ne doit pas être bien facile non ? Comment tu fais, toi, pour séparer ta vie privée de ta vie professionnelle ? Parce que pour moi, mon métier, ça fait parti de ma vie privée. Et ouai, bon bref. T'as toujours su agir comme ça ou c'est avec l'expérience ?"

Habituellement, Bem avait plutôt confiance en lui, mais avec ce sujet de conversation, il perdait tous ses moyens, aussi réagissait-il de la sorte, en posant toutes ces questions à sarah, en espérant ne pas trop l'embêter avec ses paroles.

[ là c'est à moi de m'excuser, je clôture et on en reprendra un autre plus tard si tu veux mais je vais pas être là avant un bout de temps, et tu es tout excusé pour le retard ]

Ca devait faire un certain temps qu'ils discutaient tous les deux, Sarah en avait presque perdu la notion du temps. Elle s'était perdue puis retrouvée dans les méandres temporels de son esprit vagabond mais elle n'en était pas moins en retard et en avait presque oublié pourquoi elle était encore dans les vestiaires, comble du paradoxe étant donné qu'elle n'avait pas lâché le fil de la conversation depuis le début. Bien qu'avoir la possibilité d'aider Bem dans ses recherches pour devenir médecin la rendait étrangement de bonne humeur elle ne pouvait pas continuer davantage la conversation sous peine d'entendre dans un laps de temps très bref le bruit strident de son maudit bipper ce qui la mettrait à coup sûr de mauvaise humeur. Tout en écoutant le jeune homme l'infirmière se plia pour nouer les ravissants lacets de ses très vieilles et laides baskets qu'elle avait traînées sur tous les blocs, à tous les étages et dans tous les recoins de cet hôpital - exception faite de la salle informatique qui avait quelque chose de particulièrement étrange qui ne lui donnait pas du tout envie de faire des recherches dans le coin. Tous ses cheveux lui revenait dans les yeux si bien qu'elle faisait comme à son habitude les noeuds à l'aveugle mais avant de se relever elle repoussa une mèche pour regarde sa montre le plus discrètement possible tout en cherchant un moyen de couper court à la conversation sans le froisser ni même lui donner l'impression qu'elle n'avait pas été intéressé puisque c'était loin d'être le cas.

Elle n'avait pas été à son aise sur des questions plus proches d'elles, tenant plus de sa relation quasi fusionnelle avec la médecine depuis ses débuts dans les hôtpitaux. Non pas que le fait de partager ces informations la mette mal à l'aise mais bien plutôt parce qu'elle n'y était plus habituée et que quelque part dans sa mémoire la case "perte du patient" bien qu'étant toujours fortement présente n'était qu'un fantôme qu'elle préférait éviter de réveiller. La hantise de se trouver en face d'une amie au bloc ne l'avait pas quittée depuis le tout début de ses années d'études en hôpital et la phobie n'avait pas perdu de son intensité. Elle se refusait ne serait ce qu'à envisager ce cas de figure et ce n'était là que le reflet le plus éclatant et secret à la fois de cette compartimentation des faits professionnels et privés. Rien ne devait déborder sous peine de se retrouver submergée par les émotions déplacées sur un lieu de travail aussi éprouvant qu'une maternité. La jeune femme se redressa alors avec un léger sourire faisant montre de son incapacité à dire avec exactitude ce qu'elle entendait par là mais au moment même où les mots allaient sortir de sa bouche elle sentit vibrer son bipper dans sa poche, signe avant coureur d'un son strident et particulièrement désagréble. D'un air désolé elle le sortit de sa poche et se leva du banc sur lequel elle s'était assise pour discuter :

Je dirais que c'est instinctif, comme ma haine pour ce... truc. Je suis vraiment désolée Bem mais je vais devoir couper court à notre petite discussion il doit y avoir une urgence quelque part. En tout cas si tu as d'autres questions c'est quand tu veux tu sais, on bosse dans le même service ça devrait pas être insurmontable comme problème !

Puis sans vraiment attendre la réponse la jeune femme se glissa comme une souris à l'extérieur de la pièce et fila direction la maternité où elle aurait dû être depuis un certain temps maintenant....